Expert en qualité de vie au travail et ergonome de formation, David Bozier, de la société collective We Reinvent SA à Bevaix, accompagne les entreprises dans la mise en place de conditions de travail favorisant la santé des employés et la performance de l’entreprise. Sa mission : permettre à chacune et chacun de «faire du bon travail dans un endroit où il fait bon travailler».
Dans cette entretien, il nous partage sa vision des enjeux actuels et quelques pistes pour allier santé et performance et transformer le quotidien en entreprise.
En quoi la santé est-elle un élément central lorsqu’on traite de durabilité ?
Prendre soin de la santé des employés, c’est investir à long terme dans son entreprise. Cela permet de maintenir les gens en poste et d’assurer une forme de continuité dans les services fournis par l’entreprise. Une entreprise durable est une entreprise qui prend soin de celle et ceux qui la font vivre.
Quel est le risque lorsque la santé n’est pas prise en compte ?
On est dans un monde ou tout bouge très vite, un employé qui ne se sent pas bien quitte l’entreprise. Lorsque le turnover est trop grand, l’entreprise n’est plus en mesure d’assurer un service client de qualité et/ou d’accompagner les projets et l’innovation dans l’entreprise. Dans ces cas, c’est la pérennité économique de l’entreprise qui est menacée. D’autant plus avec la nouvelle génération.
C’est-à-dire ?
Aujourd’hui, les nouvelles générations sont particulièrement attentives à leur bien-être. Elles n’hésitent pas à quitter une entreprise si elles ne s’y sentent pas bien, car le travail ne répond plus seulement à une nécessité matérielle et de subsistance, mais est également perçu comme un espace d’épanouissement personnel.
Lors de vos interventions en entreprise, quels aspects de la santé sont pris en compte ?
L’approche doit être globale. Si l’ergonomie traite principalement de la dimension physique, il faut aussi considérer les dimensions psychosociales. Le bien-être d’un salarié dépend non seulement de son confort physique, mais aussi du sens qu’il trouve dans son travail, des relations humaines, et du style de management.
C’est pour cela que les employeurs vous mandatent ?
Souvent, j’interviens pour résoudre des problèmes physiques liés à l’ergonomie, mais les gens se livrent et partagent davantage. Dans ma pratique, je remarque que les problèmes physiques traduisent parfois des problématiques bien plus profonde qui peuvent être liée à des problèmes managériaux, au stress ou à encore à une perte de sens.
Un exemple d’une démarche entreprise qui a changé le quotidien des employés et de l’entreprise ?
Dans une entreprise de comptabilité, plusieurs collaboratrices se plaignaient de douleurs physiques. Nous avons d’abord revu l’ergonomie des postes (chaises, bureaux, éclairage), puis introduit des pauses actives, avec des exercices physiques légers pour stimuler à la fois le corps et l’esprit. Le résultat a été surprenant puisque les tâches étaient accomplies en deux heures de moins par semaine. Ces deux heures ont été officiellement accordées sous forme de réduction du temps de travail à condition de poursuivre les mesures mises en place. On a ici l’exemple d’une entreprise qui est allé bien au-delà des simples enjeux réglementaires.
En Suisse justement, quels sont les enjeux réglementaires ?
La santé au travail est un domaine extrêmement réglementé. Le Secrétariat d’Etat à l’économie établit les lois à respecter sur le lieu de travail et il y a énormément de normes à respecter pour un employeur. Cette base légale est relativement complexe puisqu’elle traite autant de la luminosité, que des ascenseurs ou du bruit sur le lieu de travail.
C’est donc complexe pour un employeur de s’y retrouver ?
Ce qui est surtout difficile, c’est de considérer ces normes non pas comme des contraintes mais comme des atouts. La question n’est pas de savoir si investir dans la santé coûte, mais si l’entreprise peut encore se permettre de ne pas le faire.
